1959. Au sommet de sa gloire, l’écrivain Truman Capote découvre dans la presse un fait divers qui le fascine. Au Kansas, une famille de fermiers a été froidement assassinée sans mobile apparent. Avec son amie Nelle Harper Lee (l’auteure du beau Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur), il décide de se rendre sur place pour tenter de comprendre, et, peut-être, y trouver la matière d’un livre. Quand les deux meurtriers sont arrêtés, il se prend alors d’une trouble amitié pour l’un d’eux, Perry Smith, jeune homme perdu et attachant, dont il s’emploie à appuyer la défense. Mais bientôt, entre sentiments et ambition littéraire dévorante – qui produira le best-seller De sang-froid –, l’écrivain, déchiré, sombre dans l’alcool.
Pénombres de l’âme
Film d’une singulière et sobre élégance, loin de la tradition hollywoodienne éprouvée des biopics, Truman Capote explore au plus près la création à l’œuvre. Négligeant le portrait, attendu, de l’écrivain mondain à l’esprit et à la langue acérés, Bennett Miller préfère plonger au cœur de la psyché tourmentée de son héros. Lequel, en proie à l’exaltation d’inventer un genre nouveau, le "roman-vérité", sacrifie sa morale vacillante à son art, quitte à en payer le prix fort. Car après avoir habilement pesé de toute sa notoriété pour différer l’exécution de son "protégé", sorte de double malheureux envers lequel il nourrit une affection quasi morbide – et accessoirement pour gagner du temps afin de mieux sonder les pénombres de son âme –, le romancier finit par souhaiter secrètement sa mort, comme encombré par ce condamné qu’il manipule dans le seul but d’achever son livre. Dans ces allers-retours tortueux entre passion littéraire ravageuse et profonde humanité, l’oscarisé Philip Seymour Hoffman excelle, tant il bouscule Capote, sans toutefois le juger, effleurant avec délicatesse toutes ses ambiguïtés.